Tu me disais souvent, passe me voir mon garçon
On passera le temps, on mangera un morceau
Puis on ira flâner sur les bords de l’Arnon
Profiter du bon air et du chant des oiseaux
Tu sais mon gars les vieux deviennent centenaire
Bien plus rarement que le chêne et l’olivier
Ne perdons pas de temps lui qui nous est si cher
Ne perdons pas de temps il est notre allié
Je passais le dimanche juste après la messe
Où tu n’allais jamais question de religion
Tes saints à toi gagnaient leurs lettres de noblesses
Sous les vieux fûts de chêne cachés sous la maison
On levait notre verre à la santé du monde
Dans le secret espoir de lendemains plus doux
Tu parlais de grand-mère juste quelques secondes
Je la voyais s’asseoir et trinquer avec nous
Toi, la vieille branche et moi le bourgeon
En habit du dimanche, la fleur au veston
Balayons de la manche le sable coloré
Qui s’écoule en silence du grand sablier
Tu m’a donné le LA lorsque j’étais un drôle
Donné le goût du verbe et des bonnes formules
Je sais à qui je dois mon esprit de guignol
Et cette langue acerbe et toujours bien pendue
Si mon sale caractère est comme un héritage
Je l’entretien c’est sûr en souvenir de toi
C’est la faute à grand père quand éclate l’orage
C’est la faute à grand père, génétique fait loi
Je garderai de toi, dans son étui carton
Ce vieil harmonica que tu m’avais offert
Ramené autrefois de ce pays teuton
Ou tu étais parti jouer les militaires
Il est en bonne place dans ma boite à trésors
Au milieu des babioles sacrées de ma jeunesse
Il se fait lancinant quand parfois il en sort
Un peu comme les vieux films de cow-boy du genre
Il était une fois dans l’ouest
Toi, la vieille branche et moi le bourgeon
En habit du dimanche, la fleur au veston
Balayons de la manche le sable coloré
Qui s’écoule en silence du grand sablier
Tu vois je pense à toi, je t’ai pris quelques fleurs
Que je dépose ici, à tes pieds, enfin presque
Devant le marbre froid plus forte est la douleur
Je te préfère blotti bien au chaud sous ma veste
Dans mon cœur et mes veines il reste un peu de toi
Et tes mains pèsent encore sur mes épaules frêles
Où que le vent me mène j’emboîterai le pas
Au risque comme toi de me brûler les ailes
En guise de pied de nez, d’un geste maladroit
Je rends hommage au père, au fils, au saint esprit
Avant de regagner les grilles de l’endroit
Où les mines sont tristes et le rire interdit
Tu me pardonneras d’éviter l’oraison
Qui est pourtant de mise dans cet enclos funeste
Car je m’en vais flâner sur les bords de l’Arnon
Profiter des oiseaux pour le temps qui me reste