Lettre à Renaud

Depuis pas loin d’un bail pour ta chetron j’en pince
Á l’époque déjà résonnaient les refrains
Des chansons de Ferrat, de celles de Brassens
Si jamais deux sans trois il en manquait donc un
Il fallait une idole à mon adolescence
L’icône qu’on accroche au mur, un peu partout
Le cuir et la créole devinrent une évidence
J’ai noué un foulard rouge autour de mon cou
J’ai gueulé bien des fois, la gratte en bandoulière
Ta poésie rebelle, tes songs au poing levé
Chialé même parfois pour un mot, pour un vers
Une pépite à l’ombre d’une face B
De « la tire à Dédé » à « c’est quand qu’on va où ?»
De « la mère à Titi » à « rouge-gorge » ou « Olé »
Elles tapaient dans le mille presque à tous les coups
Mais j’ai quitté l’navire à « la belle de mai »
Aux beaux jours du printemps j’ai croisé ton regard
Encore si beau debout sur ton arbre perché
Avant d’en redescendre dans la peau d’un renard
D’un Phénix à deux sous vide et désabusé
Pour l’ombre du héros je garde la tendresse
Ton blase tatoué dans un coin de mon âme
Et cet amour des mots, la colère à l’adresse
De cette humanité qui crève au fond des flammes
Parmi les enfoirés qui t’offrent l’oraison
Combien ont mis leur nom au fronton d’une école
Combien ont réuni quatre générations
Des jeunes et pis des vieux un peu comme qui rigole
Tu peux ranger ta plume, réaffûter tes gaules
T’enivrer du parfum frais d’une aube nouvelle
Te ranger de la thune, du Pernod, des bagnoles
Sache que désormais, mon gars, t’es éternel
Si tu sais pas quoi faire, passe donc à l’occasion
Goûter la vie normale au fond de ma cambrousse
J’te montrerai mes coins à truites, à champignons
Pas un relou ne viendra te coller aux trousses
On chant’ra Boris Vian, tonton Georges et Springsteen
Avec un vieil accent à couper au couteau
On ira faire un bab, si tu veux, chez Jeannine
Balancer quelques brèves au comptoir des potos.

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